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LES MONDES CLOS
 

 

 

 

 

 

 

 

 

♠Le clos est la condition d’un théâtre de l’épuisement animé par une créature moribonde élevée à l’Idée
♠On ne s’approche du vécu qu’asymptotiquement, à la manière d’une spirale qui tourne autour de son point central, pour le cerner toujours de plus près mais sans jamais l’atteindre
♠L’instant en explosion, le temps pétrifié, l’inaccessibilité du sens, le retour inlassable sur ce qui est hors de portée de la compréhension fondent l’obsession
♠ Un débordement expressif au service de la mutité
♠ Ressasser , passer au sas  : Wiederholen (répéter ) ; Wieder-holen aller chercher le nouveau : « Fini , c’est fini , ca va finir , ca va peut- être finir. Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas» (Beckett, Fin de partie)



« Désirer c’est construire un ensemble, désirer c’est construire une -  région - ». (Gilles Deleuze, Abécédaire, Lettre D : Désir) .


Des écrivains comme Faulkner, Benet, García Márquez ont créé des mondes totalement clos (comté de Yoknapatawpha, Région, Macondo) pour y développer un agencement de désir destructif. Tels un studiolo, une pièce sans porte ni fenêtre, une monade leibnizienne, ces mondes n’ont pas d’extériorité, pas de rapport référentiel. Faulkner voit ainsi la vie comme un tout fermé et accompli qui n’a aucune autre explication que celle qui émane de son aspect et de son histoire. Ce qui constitue alors une révolution dans le roman est de créer un monde, de l’étaler froidement sur une table devant nos yeux étonnés pour montrer la preuve définitive de la ruine. Le lecteur entre dans un monde parallèle qui est la formulation d’une excroissance de l’éternité, une substance cosmique où évolue la chair morte de la pénombre : « L’homme est l’être pour qui la vie implique le vide en avant et arrière de lui » ( Fréderic Worms, Arnaud François ( dir.), L‘évolution créatrice de Bergson, Vrin). Le huis clos de Carson Mc Cullers ( 1941), Reflections in a golden eye évoque ces êtres à qui il n’arrive presque rien, de petits drames intimes qui, ramassés tout au long d’une vie, finissent par lui donner une dimension tragique : ni libres, ni aliénés, les personnages piétinent dans un univers fermé et entropique. À propos de l’œuvre de Beckett, Alain Badiou écrit qu’elle se situe « aux confins de l’enfoncement ténébreux et corporel des existences abandonnées, des délaissements sans espoir et d’une démonstration absurde sous la forme d’un baroque moderne » (Alain Badiou, Beckett, L’increvable désir, Pluriel, 2011, p. 9).


La performance Les mondes clos construit une région, un agencement désirant où l’homme sans possibles ne peut être appréhendé que selon une fatalité absurde et fermée. Le duo emprunte les éléments d’un discours chorégraphique et théâtrale inspiré d’un quotidien qu’il élève à l’abstraction. Il s’agit d’opérer un tracé selon un modèle orbital qui revient sur soi, se reprend, se répète en un infini ressassement... Dans ce parcours immobile, la musique opère comme une ponctuation cinématographique, à la fois calme, dissonante et saturée ; le trajet vide et compulsif du personnage ne vise pas à l’esthétisme mais à créer une syntaxe de la variation continue, en expérimentant des limites mentales qui concernent aussi la limite des langages et des représentations.

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